samedi 18 février 2012

Manipulation, mobilisation, douleurs cervicales et artère vertébrale

Dans l'édition de janvier du JOSPT, Dunning et al ont publié les résultats d'un RCT dans lequel ils comparent la combinaison d'une manipulation (manip) cervicale haute et d'une manipulation dorsale haute à une mobilisation (mobs) cervicale haute et une mobs dorsale haute dans le traitement de douleurs cervicales aigues. La conclusion de leur étude est que l'application d'un traitement combinant une manip cervicale (cx) à une manip dorsale (dx) est nettement plus efficace, à tout le moins 48 hrs plus tard, que la combinaisont de deux mobilisations aux mêmes endroits pour le traitement de la douleur cervicale aigue. Les partisants de la manipulation cervicale sont certainement heureux des résultats de cette recherche, mais elle souffre de deux gros problèmes selon moi. Le premier, tient aux paramètres choisis dans l'application des mobilisations. Ils ont choisi de faire une mobs de seulement 30 secondes pour une seule répétition! Et ce, tant au niveau dorsal haut qu'au niveau cervical haut. Ils se défendent de cela en justifiant vouloir garder un temps de contact manuel identique pour les deux groupes pour éviter un biais. Bien pratique excuse pour se permettre d'appliquer une mobs d'une durée plutôt courte. Pourtant, faire des mobs de seulement 30 secondes ne représente en rien la méthode habituellement recommandée pour l'application de celles-ci et les récentes recherches rapportant les effets neurophysiologiques des mobilisations ont typiquement utilisées des mobs de plus longues durées pour obtenir leurs résultats (ici, ici). Bien que des effets neurophysiologiques soient aussi remarqués lors de plus courtes durées d'application, il est fort plausible que celles-ci soient insuffisantes pour amener des changements cliniques significatifs si l'application est de seulement 30 secondes. D'ailleurs, rien n'est moins clair que la relation entre les effets neurophysologiques des mobs/manip et les changements durables significatifs sur la douleur des patients. Il aurait donc été plus juste de pratiquer des mobs d'une durée totale minimale de 3 minutes tant en cx que dx. De plus, cela serait plus pragmatique et représenterait déjà davantage comment celles-ci sont appliquées cliniquement. De plus, une autre façon de faire aurait été de vérifier si l'ajout d'une manipulation à une série suffisament longue de mobilisation permettait d'obtenir de meilleurs résultats que l'application de mobilisations uniquement. D'ailleurs, cette étude, bien plus pragmatique, a déjà été réalisée et les résultats rapportent que l'ajout de manipulations cervicales ne bonifie en rien les résultats obtenus après quatre traitements.

Mon deuxième problème, concerne le fait que Dunning et al, émettent de brefs commentaires sur la sécurité des manipulations cervicales :

nonthrust mobilization groups. Therefore, to date, there is no strong empirical evidence to support the notion that upper cervical HVLA thrust manipulation carries any greater risk of injury than middle or lower cervical HVLA thrust manipulation, or that nonthrust mobilization to any region of the cervical spine carries any less risk than HVLA thrust manipu-lation to the same region.

Pardon? Je suis conscient que le débat sur le lien entre les AVC et les manips cervicales est encore débattu cliniquement, mais force est de constater que Dunning et al ont été très sélectifs dans le choix de leurs références pour supporter leur précédente prétention. Il y de nombreuses recherches récentes et sérieuses qui pourraient aisément contredire les affirmations de Dunning et collègues (voir ici, ici et ici par exemple). Ainsi, les critères de Hill's permettant de considérer les manips cx comme une cause indépendante d'AVC sont remplis, il y a plusieurs cas de dissection de l'artère vertébral qui ont été rapporté et de plus, on considère que le nombre de cas non-rapporté frôle les 100%. De plus, les manipulations cervicales ne sont pas démontrées comme plus efficaces que les mobilisations. Le ratio risques/bénéfices n'est donc pas en faveur des manipulations et le poids relatifs des évidences dans la littérature penche largement du côté de la position que je viens d'énoncer.

Mais Dunning et al semblent penser le contraire... Je vous laisse le soin de comprendre pourquoi.