mercredi 9 mars 2011

Un nouveau modèle pour la thérapie manuelle ?

En 2009, j’ai passé mon examen intermédiaire en thérapie manuelle, anciennement appelé la Partie A.  L’étude qu’a nécessitée la passation de cet examen m’a amené à sortir du cadre habituel de connaissances véhiculé en thérapie manuelle.  Le modèle profond de la thérapie manuelle orthopédique en est un de structure, et ce, depuis plusieurs années.  Au fil de mes lectures (beaucoup de littérature scientifique et des discussions enflammées sur le forum SomaSimple.com), j’ai réalisé que ce paradigme, essentiellement basé sur la biomécanique ou plutôt sur la patho-biomécanique, souffrait de défauts majeurs.  

Mes principaux constats d’alors furent les suivants :

1.      Les forces manuelles utilisées en thérapie manuelle sont insuffisantes pour changer le tissu conjonctif mature de façon permanente.  Que l’on parle de capsules articulaires, de muscles ou de fascias.
2.      Les facteurs mécaniques (raideurs, posture, force musculaire, alignement corporel, gestes répétitifs,…) sont de pauvres prédicateurs de douleur ou de la persistance de celle-ci.
3.      L’examen biomécanique en thérapie manuelle a une validité et une fidélité passable tout au plus.
4.      La douleur est immensément plus complexe qu’un simple apport d’information nociceptive par les fibres A-delta et C.
5.      Le cerveau et le SNC central jouent un rôle d’avant plan (le rôle titre en fait!) dans la douleur.  Ils peuvent moduler l’information sensorielle à un tel point que même des stimulations non menaçantes peuvent créer de la douleur.
6.      Plusieurs des anomalies structurales telles qu’imagées sur les IRM et rayon-X sont en réalité le reflet normal du vieillissement et sont davantage influencées par la génétique que par de quelconques raideurs, mauvaises habitudes posturales ou façons de forcer.  Elles sont très, très fréquemment asymptomatiques
7.      Il existe des évidences qui pointent vers l’adoption d’un modèle alternatif, davantage neurophysiologique, pour expliquer les bienfaits de la thérapie manuelle.
8.      Finalement, plusieurs des concepts thérapeutiques que nous utilisons ont des bases scientifiques plutôt ténues voire inexistantes.

Un autre constat, soulageant celui-là, est qu’il était normal que mon taux d’échec thérapeutique soit somme toute assez élevé. Les études concluent généralement à l’efficacité seulement partielle de la thérapie manuelle et la physiothérapie en générale pour traiter la majorité des douleurs de plus de 3 mois. Je n'avais plus à me blâmer de pas avoir su trouver LA dysfonction, le bon niveau, le bon muscle à renforcer.  Je n'avais plus à m'inscrire dans d'innombrables cours à la recherche de nouvelles techniques d'évaluation pour traiter toutes ces dysfonctions mécaniques difficilement décelables.  Exit ce si grand besoin de spécificité.   De plus, il semble qu'il n'y ait nul besoin d'être hyper-spécifique pour obtenir ces résultats positifs lorsque présents.   

Néanmoins, malgré tout ses défauts, le modèle thérapeutique qu’on m’avait enseigné et que j’avais fait mien m’avait tout de même permit d’obtenir de bons résultats à maintes reprises.  Comment, alors, expliquer ce constat?  Un modèle erroné qui semble mal comprendre les mécanismes de la douleur qui permet quand même de diminuer voire éliminer complètement cette dernière.  J’ai alors écrit mon premier article «scientifique».  J’ai fait une revue éditoriale sur les mécanismes d’action de la thérapie manuelle dans laquelle j’ai critiqué plutôt sévèrement, il faut le reconnaitre, le modèle que je crois être le modèle prévalent en thérapie manuelle.  J’ai alors opposé ce modèle biomécanique à un modèle plus neurophysiologique que je crois plus plausible.  Évidemment, dans notre domaine rien n’est complètement noir ou complètement blanc, mais l’article se voulait percutant pour inciter à la discussion.  Je n’ai finalement pas réellement tenté de le faire publié, mais il est disponible depuis maintenant environ 1 ans sur le web à plusieurs endroits et il est cité par plusieurs auteurs de blog sur la physiothérapie et la douleur.  Je vous recommande de le lire puisqu’il met en quelque sorte la table pour mon commentaire prochain sur le traitement des douleurs au genou.

The traditionnal mechanistic paradigm in the teaching and practice of manual therapy : Time for a reality check.

7 commentaires:

  1. Antonello Brandonisio16 mars 2011 à 17:17

    Merci Frederic puor ton article vraiment très interessant. Il y auarait beaucoup de choses à dire. Si, comme je pense, nous pourrions etre seulement des dispenseurs de placebo, quel sera notre role?
    j'ai lu avec très interesse et je reccomende la lecture du livre "The patient's brain - the neuroscience behind the doctor-patients relationship" de Fabrizio Benedetti, Oxford Univeristy Press, 2011. Si tu le liras je voudrais connaitre tes comments.
    Merci pour ton attention et excuses-moi puor mon français.
    Antonello Brandonisio, PT, Italie

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  2. Antonello,

    Grazie per questo buono commento!

    Non, je ne parle pas italien ! F. Benedetti écrit de très bon articles sur l'effet placebo. Je pense que nous avons un rôle de facilitateur certainement. Je n'ai pas encore complètement jeté l'éponge sur la possibilité d'un effet spécifique à la thérapie manuelle, cependant, cet effet, s'il en ait un, n'est surement pas biomécanique.

    Je vais certainement regarder si je peux avoir accès à ce livre.

    Ciao

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  3. Antonello Brandonisio17 mars 2011 à 07:32

    Salut Frederic,

    moi aussi je pense que l'effet ne soit pas biomécanique et si les problemes MSK ont une prognose benigne et sont presque toujours auto-limitants qu'est-ce que nous offrons a nos patients? Quelle peut devenir notre specialisation? Je pense que nous pourrions devenir des bons "vendeurs" de placebo parce que l'homme quand'il pense d'avoir un quelque chose qui lui menace cherchera toujors l'un qui peut l'aider.
    Je souhaite d'avoir communiqué ce qu je pense...c'est difficile d'essayer en un autre langage.

    Ciao

    Antonello

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  4. «Je pense que nous pourrions devenir des bons "vendeurs" de placebo parce que l'homme quand'il pense d'avoir un quelque chose qui lui menace cherchera toujors l'un qui peut l'aider.»

    Oui. Maintenant, qu'elle est la meilleure façon de faire cela sans déception?

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  5. Antonello Brandonisio18 mars 2011 à 07:43

    Salut Frederic,

    Pourquoi faut-il le faire avec déception? Les patients pense qu'ils auront mieux avec quel traitment specifique meme-si nous savons que les effets seront aspecifiques, la difference est que maintenant NOUS savons que le traitment (de therapie manuelle ou d'autre) n'a pas d'effets, j'ai peur de baisser dans la philosophie....

    Dès deamain à dimanche je particiciperai au cours "explain Pain" tenu par Noigroup

    Ciao

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  6. Je crois justement qu'il faut le faire sans déception. C'est donc pourquoi je crois qu'il est important de trouver une façon d'expliquer au patient ce que l'on fait sans recourir aux explications biomécaniques habituelles.

    Une très bonne discussion sur le sujet est disponible ici : http://www.somasimple.com/forums/showthread.php?t=8643&highlight=deception

    Je te souhaite un très bon cours Antonello!

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  7. Antonello Brandonisio22 mars 2011 à 07:47

    Salut Frederic, merci pour les references de la discussion, Je suis en train de la lire à petits morceaux... il y a les commentaires que j'entendais...
    Il y a beaucoup à lire dans le web et je n'ai pas les temps :(

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